Le Cargo, Carte blanche à Faustin Linyekula
23 au 25 juin 2003 au Centre national de la danse, Pantin
Le Centre national de la danse a laissé Carte blanche à Faustin Linyekula pour inviter pendant quelques jours des artistes à montrer leur travail à Pantin…
photo : Antoine Tempé - www.antoinetempe.com
« Livraison de danseurs, chorégraphes, faiseurs de rêves, ouvreurs de fenêtres, croisés ici et là au fil de périples réels ou imaginaires, des scènes de Tombouctou aux bars d’Addis…
Un Congolais d’en face (entendez le «petit» Congo ex français, en face de mon «grand» Congo ex belge) réfugié dans la médina de Dakar, à défaut des banlieues parisiennes ; une Sud-africaine crachant gospels et prêches comme une langue de bois ou de feu ; des footballeurs adeptes de bains de boue …
Au programme donc, mesdames et messieurs : … j’ai tout mélangé entre les pavés sinueux de Tananarive et les néons de Kinshasa, Hlengiwe Lushaba, Gaby Saranouffi, Papa Ibrahim Ndiaye, Andreya Ouamba ou Papy Ebotani, une Afrique tellement vaste que je m’y perds en plein jour, ne reste qu’un pari sur des artistes qui cherchent… »
Faustin Linyekula
Le Cargo, c’est :
Ntando Cele, Mlu Zondi (Afrique du Sud) / Silhouette
Hafiz Dhaou (Tunisie) / Zenzena
Papa Ibrahim N’Diaye / Dialaw’Art (Sénégal) / Maady Kaan ?
Papy Ebotani et Djodjo Kazadi (RDCongo) / Studios Kabako / Ya Biso
Hlengiwe Lushaba (Afrique du Sud) / It’s not over until the fit fat phat lady sings
Andreya Ouamba / Cie 1er Temps (Sénégal / Congo) / In Design
Gaby Saranouffi / Cie Vahinala (Madagascar) / Soritra
Nelisiwe Xaba (Afrique du Sud) / Plasticization
Sans oublier un cabaret le vendredi 24 juin avec le musicien et DJ Ntoné Edjabe (Afrique du Sud / Cameroun) et Hlengiwe Lushaba, ainsi qu’une installation de Faustin Linyekula.
Coréalisation : Studios Kabako, Centre national de la danse.
Avec le soutien de l’AFAA – Ministère des affaires étrangères et du Conseil général de la Seine-Saint-Denis, de l’Agence Intergouvernementale de la Francophonie, de l’Institut français d’Afrique du Sud, d’Art Mada et du Service culturel et de coopération de l’Ambassade de France à Tananarive.
En partenariat avec Radio France Internationale.
Le Cargo, texte de Virginie Dupray
« Le Cargo », le titre renvoie sans ambiguïté à la part sombre de notre histoire : du commerce triangulaire à la colonisation, de la « décolonisation »(mot terrible s’il en est car volant une fois de plus aux populations leur rôle dans leur propre libération) aux charters organisés.
Toujours une question de circulation, de perspectives et de déplacements…
L’Afrique reste le continent le plus fantasmé au monde… Fantasmé par l’Occident qui lave sa mauvaise conscience et comble ses méconnaissances à grand renfort de lieux communs… Et l’on est plus à quelques paradoxes près, de l’énergie et la joie de vivre africaine que symbolise parfaitement la danse aux déroutes en série : guerres, épidémies et autres catastrophes plus ou moins naturelles. Mais aussi fantasmé par ceux qui, sur le continent ou ailleurs, invoquent une grande Afrique, solidaire et fraternelle, se revendiquant d’une africanité que semblent pourtant mettre à mal la complexité des relations et les tensions à l’œuvre au quotidien.
Présenter ce cargo africain relève du geste aussi politique que périlleux. Renvoyant immanquablement aux questions du regard, de la perception et des modes de représentation, ici et là-bas… Qu’attend-on aujourd’hui d’un artiste africain sur une scène occidentale ?
Que représente en retour pour un artiste africain une confrontation à l’Occident, seule à même de valider une reconnaissance locale et un relatif bien-être économique ?
Comment les artistes négocient-ils au quotidien Internet et les rites traditionnels, la mondialisation et le verrouillage des frontières, l’urbanité galopante des grandes cités et le village des ancêtres ? Et ce qui rend ces démarches si singulières, c’est peut-être qu’elles investissent ces entre-deux, ces interstices, ces fractures entre de vastes pans de réalité économiques, sociales et culturelles qui ne sauraient s’accorder…
Au fil des conversations, des dialogues, au détour des plateaux ou des cafés, de Tananarive à Maputo, de Durban à Dakar, de Nairobi à Johannesburg, Faustin Linyekula a peuplé son navire, avec autant de soin qu’il aurait apporté à une création. Accompagnant depuis plusieurs mois les différents projets, il a misé sur ces rencontres avec des univers et des démarches, sinon familières, mais qui semblaient entrer en résonance avec ses propres interrogations.
A bord donc, non des pièces, mais des artistes, une trentaine de six pays différents et autant de parcours en devenir, d’errances aussi, d’univers singuliers, parfois encore fragiles, mais qui devraient s’affirmer dans les années à venir. La confiance est essentielle et une grande liberté de proposition a été laissée aux invités.
Le pari peut paraître risqué, un peu fou, pour Faustin, c’est le seul qui vaille…
La traversée ne sera pas de tout repos !