photo : Laurent Lafuma


Je dois veiller à ce que télévision, frigo et réchaud continuent de bien fonctionner
Dans cette maison immense, sur la colline résidentielle de la ville, quatre longs murs
On se croirait dans un labyrinthe
Penses-tu qu’on en ait déjà fait le tour ?
Et puis comment faire le tour d’une telle demeure quand on est immobile…?
Ça reste une équation à treize inconnues qu’il va falloir résoudre un vendredi 13.
Il est question d’immobilité, non pas celle de ses jambes
Je parle de l’immobilité de l’âme, du cerveau, des ressources, de la pensée
Celle de notre vie, de notre demeure
Avec nos orages tropicaux, le toit a fui, le plafond s’est fendu, la maison suinte…
Toutes les nuits, pendant la saison des pluies, je pose une bassine à côté de mon matelas en prévision d’une éventuelle « inondation »
Cette eau qui suinte est pour moi la plus belle des berceuses
Et les fois où je dors dehors, ç’a beau être dans un cinq étoiles, mon matelas me manque
Ma berceuse, mon toit, ma demeure
Parce que c’est dans cette maison que mon sommeil et mon existence sont de qualité
J’y fais les plus beaux rêves, les plus bons repas
J’y conserve les meilleurs souvenirs du plus beau morceau de ma vie !

La Fratrie errante, Marie-Louise Bibish Mumbu, Kinshasa, 2006-07